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18 juillet 2015 6 18 /07 /juillet /2015 06:55

Après la signature, puis le vote, du troisième « mémorandum », certains analystes, responsables politiques et militants se sont lancés dans des comparaisons historiques. Parmi les deux plus fréquentes, on a retrouvé les accords de Munich, et la célèbre phrase de Churchill au sujet de la guerre et du déshonneur ; et le traité de Versailles.

Même si comparaison n'est pas raison, il est en effet intéressant de se tourner vers l'Histoire pour chercher à expliquer la tournure des événements, et tout particulièrement l'intransigeance des autorités fédérales allemandes.

Une vie politique allemande dominée par le Droit
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, une partie de la population allemande est traumatisée par les atrocités commises, mais encore plus par le fait que, techniquement, le gouvernement du Reichsführer Adolf Hitler a agi en toute légalité : il est arrivé au pouvoir au travers des élections parlementaires et a utilisé tous les ressorts institutionnels pour consolider son emprise sur le pays et mettre en œuvre sa politique de mort et de destruction.

Les membres du Conseil parlementaire, qui rédige la Loi fondamentale toujours en vigueur de nos jours, prennent donc conscience que le droit n'a pas su protéger une partie de la population et la démocratie en tant que telle. En conséquence, ils décident de la création, dans le corps du texte constitutionnel, de « droits fondamentaux » directement applicables et inviolables, et d'un Tribunal constitutionnel, le Bundesverfassungsgesicht. Installé à Karlsruhe, le BVerfG veille au strict respect de ces droits par le gouvernement, le Parlement, les cours et tribunaux de l'ordre fédérale.

Les responsables de 1949 décident donc de profondément « judiciariser » le fonctionnement de leurs institutions, afin de se prémunir d'une résurgence d'un régime autoritaire. La présence d'un grand nombre de juristes dans la vie politique allemande, si elle n'en constitue pas forcément une conséquence, renforce cet aspect.

Le péché originel de 2003
En 2003, le déficit public de la France de Jacques Chirac et l'Allemagne de Gerhard Schröder dépasse la limite de 3 % du PIB, inscrite aux critères de convergence du Pacte de stabilité et de croissance.

En conformité avec le pacte, la Commission européenne engage une procédure de « déficit excessif » à l'encontre des deux plus grandes économiques de la zone euro. Ironie du sort, cette procédure n'ira pas à son terme grâce au vote d'un pays lors du Conseil européen : la Grèce de Kostas Simitis.

Il faut savoir qu'à l'époque, le trucage des chiffres grecs est évident pour les autres pays, tandis que la Belgique et l'Italie ne respectent pas les critères de convergence du fait de leur imposante dette publique.

Bref, à peine l'euro est-il en circulation que cinq des douze États concernés sont en infraction avec le Pacte de stabilité.

La crise grecque de 2010 et le juridisme allemand
Quand éclate la crise de la dette publique grecque, la chancelière Angela Merkel et son ministre fédéral des Finances Wolfgang Schäuble sont en première ligne. La première sait son opinion très rétive à une aide à la Grèce (les Allemands estimant à tort que la cure d'austérité imposée dix ans plus tôt par Gerhard Schröder explique leur croissance d'alors), à tel point qu'elle louvoie jusqu'à la tenue des élections (finalement perdues) en Rhénanie du Nord-Westphalie.

Le raisonnement de Wolfgang Schäuble est tout autre. Docteur en droit, ancien directeur de la chancellerie fédérale, dauphin contrarié d'Helmut Kohl, ce conservateur convaincu est né à la fin de la Seconde Guerre. Il a donc réalisé ses études supérieures dans les années 1960, marquées par les contestations étudiantes de gauche et la difficulté à assumer les crimes nazis. Il a débuté sa carrière politique dans les années 1970, l'âge d'or de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) et de ses slogans « Sûr et stable » ou « Social, sûr et libre ».

La position adoptée par le ministre fédéral des Finances allemand est donc conforme au prisme juridique de la société politique allemande : le respect du droit et rien d'autre. C'est la raison pour laquelle, dans les négociations, le gouvernement allemand a adopté et maintenu une ligne dure au sujet de la dette grecque : rien dans les traités ne prévoit une telle restructuration. C'est pour cela que le Pacte budgétaire a été approuvé : les autorités allemandes ne peuvent concevoir un cadre budgétaire contraignant sans norme juridique de premier plan. D'aileurs, peu l'ont relevé mais dans les exigences des créanciers, figurait noir sur blanc l'adoption d'une « règle d'or » budgétaire par le gouvernement grec. De plus, les gouvernements Papandréou et Samaras ayant signé chacun un « mémorandum » avec les créanciers, ceux-ci devaient, du point de vue des autorités fédérales allemandes, être appliqués en intégralité. Wolfgang Schäuble n'a que faire d'une élection ou d'un changement de gouvernement : la signature d'un État engage l'État sans considération de majorité parlementaire.


Wolfgang Schäuble a pris un peu trop à cœur cet avertissement : « Un crédit vous engage et doit être remboursé ».

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