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7 mai 2016 6 07 /05 /mai /2016 06:42

Comme beaucoup de personnes sur les incontournables réseaux sociaux, j'ai été assez ému de la manière dont les médias traitaient l'élection du travailliste Sadiq Khan au poste de maire de Londres, ce jeudi 6 mai.

Si BFM TV a atteint le comble du pire en titrant « Le musulman Sadiq Khan favori pour l'élection du maire de Londres », beaucoup de médias s'en sont tenues à cette description, reléguant bien souvent son appartenance partisane en deuxième position.

À leur décharge, évacuer cette question n'était pas aisée tant le candidat en a fait un argument de sa campagne. Il indique dans ses discours que l'islam est une partie de son identité. Quand son opposant Zac Goldsmith dénonce le fait qu'il soit musulman (donc qu'il aurait des liens avec Daesh ...), Khan rétorque via Twitter « Oui, je suis musulman, c'est inscrit sur mes tracts ». Cela étant, on sait bien que les médias français en auraient quand même fait des caisses avec la confession de M. Khan, qu'il la revendique ou non.

Pourquoi Khan alors revendique tant sa religion et pourquoi les médias lui emboîtent le pas sans se poser de réelles questions ? Parce que c'est le seul réel moyen de distinguer Sadiq Khan de son adversaire conservateur (qui, selon M6, est juif, ce qui semble moins impressionnant quand on visionnait le reportage du 12:45 ce jeudi 6 mai).

Une fois que l'on a opposé les personnalités de Khan (musulman, fils d'un immigré pakistanais chauffeur de bus, ayant vécu dans un quartier populaire et étudié dans le public) et Goldsmith (juif, fils de milliardaire, ayant vécu dans un quartier huppé et étudié dans le privé), que reste-t-il à analyser ? Rien ou presque.

Les deux candidats, par-delà leurs étiquettes, ont conscience des problèmes de Londres (une ville trop chère et engorgée) et proposent des solutions globalement identiques pour y répondre (la construction de nouveaux logements à prix abordables, le gel des tarifs et le développement des transports en commun) et sont de grands défenseurs de la City. Sadiq Khan est un travailliste modéré, pas blairiste mais certainement pas corbyniste. Tant lui que son adversaire envisageaient une gestion pragmatique, destinée à résoudre techniquement les problèmes qui se posent à Londres.

Quand en 2015 Manuela Carmena et Ada Colau ont pris la direction des plus grandes villes de l'Espagne, les médias ont présenté cela comme un changement politique majeur, notamment du fait d'une véritable différence idéologique entre ces listes citoyennes, les socialistes et les conservateurs. À Londres, rien de tel, les deux candidats ont des programmes si proches que c'est sur la personnalité que l'analyse et l'élection se joue.

Cette disparition des frontières idéologiques entre deux candidats ne peut en rien justifier le traitement médiatique de cette élection, mais elle explique pourquoi personne (pas même les candidats, en définitive) ne s'est intéressé au fond politique : parce qu'il n'y en a plus vraiment.

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7 février 2016 7 07 /02 /février /2016 11:27

C'est la polémique de cette semaine : les encarts publicitaires payés par la Région Pays de la Loire dans la presse quotidienne régionale appelant les habitants à signer une pétition demandant l'évacuation de la Zone d'Aménagement Différé (ZAD) établie pour la réalisation de l'aéroport du Grand Ouest. La Région a également payé de la publicité numérique, quand on voit les publications « sponsorisées » sur Facebook et Twitter.


La Région finance les campagnes de promotion qu'elle veut et les journaux sont tenus de les accepter parce que la publicité n'entre pas dans la ligne éditoriale du journal. Il faut toutefois noter que toutes les rédactions des Journaux de Loire se sont fendues d'un encart rappelant cette règle.

Cela étant dit, cette campagne de publicité est aussi ridicule que scandaleuse.

Le sénateur-président du Conseil Régional Bruno Retailleau nous avait en effet promis qu'une fois élu, il ferait évacuer la ZAD et que grâce à son mandat sénatorial, il aurait l'influence pour le faire. Il n'y a qu'à regarder le dernier débat organisé par France 3 au cours de la campagne, où il s'engage à ce que cela soit sa première mesure de nouveau président de la collectivité.
Moralité, il décide de financer pour 60 000€ de publicité dans la presse écrite pour appeler les habitants de la Région à signer une pétition. Et à la prochaine session budgétaire, il viendra se plaindre des dotations de l'État. On a les priorités qu'on veut ...


Surtout, la pétition est l'acte citoyen par excellence. Elle permet d'interpeller les institutions, de les enjoindre à agir. Une institution ne lance pas une pétition sans révéler la profondeur de son échec à agir dans le cadre de ses compétences ou de ses relations avec les autres organes des pouvoirs publics. Oui, il faut évacuer la ZAD, territoire où la loi de la République ne semble plus s'appliquer, mais c'est au sénateur-président de prendre ses responsabilités, de convaincre le ministère de l'Intérieur d'agir en conséquence. C'est là son rôle,
tout le reste n'est que de la poudre aux yeux pour masquer le premier grand échec du mandat de Bruno Retailleau.

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4 décembre 2015 5 04 /12 /décembre /2015 20:29

Ma prise de position ne surprendra pas grand monde : dimanche 6 décembre, dans le secret de l'isoloir, je voterai pour la liste « Tous unis en Pays de la Loire », constituée autour du Parti socialiste et emmenée par Christophe Clergeau.

Mes convictions sont connues, je les assume et je les revendique. Je suis un républicain, laïc et socialiste. Je crois aux valeurs qui fondent la République – trop souvent dévoyées pour un intérêt électoral – et à l'esprit qui anime le socialisme. Je me suis engagé en politique il y a presque cinq ans parce que je crois que le slogan « Changer la vie » a plus que jamais un sens, et qu'il nous faut réinventer notre militantisme et refonder notre idéologie.

Dimanche, je ne vote pas contre un parti, je ne vote pour faire barrage à des idées. Dimanche, je me déplace au bureau de vote pour défendre et promouvoir un projet politique et une équipe qui le porte. L'équipe constituée autour de Christophe Clergeau est à l'image de ce qu'est la société de la Région des Pays de la Loire. Le projet qu'il porte est en adéquation avec la vie concrète de nos concitoyens, où qu'ils vivent.

Chaque proposition vise juste, cherchant à la fois à résoudre – dans le cadre des compétences actuelles ou futures de la Région – une difficulté et à promouvoir l'égalité et le vivre ensemble. La gratuité des transports scolaires, l'Académie de la création d'entreprises, le fonds d'aide à la transmission des PME ou encore le livret d'épargne pour la transition énergétique sont autant d'éléments qui déterminent un projet ambitieux et concret.

Si je vote pour Christophe Clergeau, c'est aussi pour un état d'esprit, pour une vision. On entend souvent que les Pays de la Loire sont une Région artificielle, qu'elle n'a pas d'identité. C'est en partie vrai (mais la Bavière et la Castille-La Manche non plus, à l'origine), mais les Pays de la Loire ont une âme. L'optimisme, la générosité, le commun ont un sens tout particulier dans nos cinq départements.

Évidemment, tout n'est pas parfait (rien ne l'est jamais), et bien sûr la politique menée par le gouvernement continue de me questionner furieusement, mais je suis convaincu que pour l'avenir de cette Région, pour l'égalité des territoires, il faut voter et faire voter pour la liste de Christophe Clergeau.

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3 octobre 2015 6 03 /10 /octobre /2015 15:56

Avec sa nouvelle sortie sur « le cursus honorum d'un ancien temps », Emmanuel Macron savait qu'il ferait parler de lui, surtout si l'on ne garde que cet extrait de son intervention et que l'on ne s'embête pas à diffuser l'intégralité de la vidéo.

Car le propos du ministre est intéressant : on peut parler de politique sans être élu, l'élection ne confère pas seule la légitimité ministérielle, et si l'on cherche un mandat politique c'est bien pour l'exercer et non se préparer à atteindre la marche supérieure. De ce propos, l'éditocrate zélé du Monde Arnaud Leparmentier s'est empressé de tirer l'idée qu'en fait, Emmanuel Macron vise la présidentielle. Le prisme présidentialiste de la Ve République fait des ravages inimaginables à l'analyse politique dans ce pays ...

Passons sur Leparmentier et revenons sur Macron. Son propos, appuyé par quelques de mes connaissances, est aussi un rappel qu'une société politique ne peut fonctionner si elle s'appuie uniquement sur des élus. Elle doit s'ouvrir aux représentants des forces vives et autres corps constitués, ce que l'on a tendance à appeler aussi la société civile. De ce point de vue, il est pour moi dans le vrai : les institutions ne peuvent tourner en vase clos, recroquevillées sur des partis et appareils politiques fermés, par qui seuls passe le sésame de l'investiture électorale.

Toutefois, ce propos relève deux maux.

Le premier, c'est évidemment la faiblesse des structures partisanes. S'il faut aller chercher des ministres en extérieur d'une force politique, c'est qu'elle n'est absolument pas capable de les attirer en interne, à tout le moins de les convaincre de se présenter en son nom. Un très récent exemple espagnol nous éclaire de ce point de vue : une ancienne commandat de l'Armée de terre, expulsée pour avoir osé dénoncer le harcèlement sexuel et moral dont elle faisait l'objet de la part de son colonel, sera candidate socialiste aux élections du 20 décembre. Le PSOE aurait pu attendre de gagner les élections puis la nommer à une fonction, mais il a choisi de soumettre son nom au suffrage des électeurs.

Le deuxième, c'est celui du bilan assumé. Emmanuel Macron, qui n'est donc pas élu, est aujourd'hui ministre de l'Économie. À ce titre, il mène une politique de premier plan (du fait de la crise et de la puissance économique de la France). Cette politique, on le sait, est débattue chez les militants politiques et dans l'opinion. En rejetant (pour l'instant !) l'idée de se présenter, le ministre indique qu'il n'ira pas devant les électeurs assumer ses actes, ses choix, ses décisions et la politique menée. Il laissera au président de la République, au Premier ministre, aux ministres et aux députés le soin, pour ceux qui se présenteront en avril/mai et juin 2017, d'assumer face aux Français le bilan de l'exécutif et de la majorité.

C'est ici où se situe le vrai problème du propos d'Emmanuel Macron. Encore une fois de ce point de vue, les Espagnols sont loin devant. En 2006 et 2007, Zapatero nomme trois ministres issus de la société civile sans mandat parlementaire. Aux élections de 2008, chacun a été tête de liste dans une circonscription. Deux d'entre eux ont été limogés du cabinet en cours de mandat et ne sont restés ensuite que cinq ou six mois au Congrès des députés, mais l'essentiel est qu'ils sont allés au contact des électeurs.

La question de la légitimité est fondamentale. Elle ne peut découler de la seule élection (comme ce qui se passe à Londres où seuls les parlementaires sont ministrables), elle peut provenir de l'engagement citoyen sous toute autre forme. Mais le minimum, quand on gouverne, c'est de se soumettre au jugement des citoyens.

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4 septembre 2015 5 04 /09 /septembre /2015 06:08

Parmi les théories politiques nées de la crise et que partagent droite et gauche, il est celle de l’impopularité nécessaire. Espagne, Portugal, France, Irlande, Royaume-Uni ont en commun un gouvernement ayant perdu le soutien de l’opinion et dont le propre électorat émet de sérieux doutes.

Face à cette situation politique, les gouvernants rétorquent avoir conscience de cet état de fait mais qu’ils n’ont pas le choix, que les réformes en question doivent être menées pour le bien du pays et que cette impopularité est « nécessaire ». C’est aujourd’hui encore l’un des principaux axes de défense du PASOK grec.

Pourtant, cette impopularité « nécessaire » est un poison politique, plus spécialement pour les forces de gauche. En effet, cette théorie impose à la gauche, traditionnelle porteuse d’un modèle de société alternatif au capitalisme, de renoncer à son projet de transformation de la société au profit d’une politique « TINA » (There Is No Alternative).

Ce faisant, la gauche officialise sa soumission à un modèle qu’elle a toujours combattu, ce qui permet aux forces libérales de remporter une victoire culturelle. Ce renoncement forme le socle d’une hégémonie politique et conduit la gauche vers l’auto-destruction.

L’électorat a deux réponses possibles : se réfugier dans l’abstention, ce qui remet en cause la légitimité des institutions élues et sape les fondements de la démocratie ; se tourner vers des forces qui lui proposent un programme alternatif. C’est ainsi qu’ont pu se développer ces dernières années Syriza en Grèce, Podemos en Espagne et le Front national en France. Une partie de la gauche se refusant à suivre ces préceptes dictées par le dogme libéral, elle se sépare d’une social-démocratie désormais « vendue » aux libéraux et conduit, peu à peu, à la disparition de cette dernière.

Le recours à la théorie de l’impopularité nécessaire par nos gouvernants revêt un caractère sacrificiel, elle permet à celui qui s’en réclame de se draper dans la vertu et le courage face aux lâches et aux faibles. Elle permet même de déconsidérer les éventuels opposants internes, présentés comme refermés sur leurs petits intérêts boutiquiers et/ou politiciens. La rhétorique en vient même à expliquer que tous ceux qui s’opposent (y compris les citoyens) n’ont pas conscience des « enjeux du long terme » et que « après-demain, les réformes produiront des effets bénéfiques ».

Les électeurs de gauche ne demandent pas à leurs dirigeants de se sacrifier à l’aune d’une politique qu’ils désapprouvent, mais simplement de respecter leurs engagements.

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18 juillet 2015 6 18 /07 /juillet /2015 06:55

Après la signature, puis le vote, du troisième « mémorandum », certains analystes, responsables politiques et militants se sont lancés dans des comparaisons historiques. Parmi les deux plus fréquentes, on a retrouvé les accords de Munich, et la célèbre phrase de Churchill au sujet de la guerre et du déshonneur ; et le traité de Versailles.

Même si comparaison n'est pas raison, il est en effet intéressant de se tourner vers l'Histoire pour chercher à expliquer la tournure des événements, et tout particulièrement l'intransigeance des autorités fédérales allemandes.

Une vie politique allemande dominée par le Droit
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, une partie de la population allemande est traumatisée par les atrocités commises, mais encore plus par le fait que, techniquement, le gouvernement du Reichsführer Adolf Hitler a agi en toute légalité : il est arrivé au pouvoir au travers des élections parlementaires et a utilisé tous les ressorts institutionnels pour consolider son emprise sur le pays et mettre en œuvre sa politique de mort et de destruction.

Les membres du Conseil parlementaire, qui rédige la Loi fondamentale toujours en vigueur de nos jours, prennent donc conscience que le droit n'a pas su protéger une partie de la population et la démocratie en tant que telle. En conséquence, ils décident de la création, dans le corps du texte constitutionnel, de « droits fondamentaux » directement applicables et inviolables, et d'un Tribunal constitutionnel, le Bundesverfassungsgesicht. Installé à Karlsruhe, le BVerfG veille au strict respect de ces droits par le gouvernement, le Parlement, les cours et tribunaux de l'ordre fédérale.

Les responsables de 1949 décident donc de profondément « judiciariser » le fonctionnement de leurs institutions, afin de se prémunir d'une résurgence d'un régime autoritaire. La présence d'un grand nombre de juristes dans la vie politique allemande, si elle n'en constitue pas forcément une conséquence, renforce cet aspect.

Le péché originel de 2003
En 2003, le déficit public de la France de Jacques Chirac et l'Allemagne de Gerhard Schröder dépasse la limite de 3 % du PIB, inscrite aux critères de convergence du Pacte de stabilité et de croissance.

En conformité avec le pacte, la Commission européenne engage une procédure de « déficit excessif » à l'encontre des deux plus grandes économiques de la zone euro. Ironie du sort, cette procédure n'ira pas à son terme grâce au vote d'un pays lors du Conseil européen : la Grèce de Kostas Simitis.

Il faut savoir qu'à l'époque, le trucage des chiffres grecs est évident pour les autres pays, tandis que la Belgique et l'Italie ne respectent pas les critères de convergence du fait de leur imposante dette publique.

Bref, à peine l'euro est-il en circulation que cinq des douze États concernés sont en infraction avec le Pacte de stabilité.

La crise grecque de 2010 et le juridisme allemand
Quand éclate la crise de la dette publique grecque, la chancelière Angela Merkel et son ministre fédéral des Finances Wolfgang Schäuble sont en première ligne. La première sait son opinion très rétive à une aide à la Grèce (les Allemands estimant à tort que la cure d'austérité imposée dix ans plus tôt par Gerhard Schröder explique leur croissance d'alors), à tel point qu'elle louvoie jusqu'à la tenue des élections (finalement perdues) en Rhénanie du Nord-Westphalie.

Le raisonnement de Wolfgang Schäuble est tout autre. Docteur en droit, ancien directeur de la chancellerie fédérale, dauphin contrarié d'Helmut Kohl, ce conservateur convaincu est né à la fin de la Seconde Guerre. Il a donc réalisé ses études supérieures dans les années 1960, marquées par les contestations étudiantes de gauche et la difficulté à assumer les crimes nazis. Il a débuté sa carrière politique dans les années 1970, l'âge d'or de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) et de ses slogans « Sûr et stable » ou « Social, sûr et libre ».

La position adoptée par le ministre fédéral des Finances allemand est donc conforme au prisme juridique de la société politique allemande : le respect du droit et rien d'autre. C'est la raison pour laquelle, dans les négociations, le gouvernement allemand a adopté et maintenu une ligne dure au sujet de la dette grecque : rien dans les traités ne prévoit une telle restructuration. C'est pour cela que le Pacte budgétaire a été approuvé : les autorités allemandes ne peuvent concevoir un cadre budgétaire contraignant sans norme juridique de premier plan. D'aileurs, peu l'ont relevé mais dans les exigences des créanciers, figurait noir sur blanc l'adoption d'une « règle d'or » budgétaire par le gouvernement grec. De plus, les gouvernements Papandréou et Samaras ayant signé chacun un « mémorandum » avec les créanciers, ceux-ci devaient, du point de vue des autorités fédérales allemandes, être appliqués en intégralité. Wolfgang Schäuble n'a que faire d'une élection ou d'un changement de gouvernement : la signature d'un État engage l'État sans considération de majorité parlementaire.


Wolfgang Schäuble a pris un peu trop à cœur cet avertissement : « Un crédit vous engage et doit être remboursé ».

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21 avril 2015 2 21 /04 /avril /2015 22:47

J’avais 12 ans, mais je savais que c’était grave. En cette soirée du 21 avril 2002, alors que les visages de Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen apparaissait sur l’écran de notre télévision, je pouvais presque entendre ma grand-mère qui, chez elle à Saint-Nazaire, exprimait avec toute la force d’une grande humaniste sa totale incompréhension.

 

Ce fut ma première prise de conscience politique. 12 ans et déjà manifestant par choix. J’ai même le souvenir qu’un militant du MJS (qui aurait dû regarder mon âge à deux fois) avait réussi à me faire arborer un autocollant de cette organisation.

 

C’était il y a 13 ans. Si proche, si loin. Depuis le 21 avril 2002, je n’ai jamais eu à faire le choix entre la droite et l’extrême-droite (si tant est que cette différence existe encore aujourd’hui). Le jour du second tour, contrairement à toutes les élections, je n’ai pas accompagné mes parents voter, voter pour Jacques Chirac. Je ne le voulais pas, et je crois qu’eux non plus.

 

13 ans plus tard, alors que le « 21-Avril » est devenu une expression galvaudée (au soir du second tour de 2004, François Fillon parlait d'un « 21 avril à l'envers » ...), il est malheureux de constater qu’aucun enseignement n’en a été tiré.

 

Le tribunal des hiérarques socialistes a eu vite fait de se réunir pour désigner le coupable : la division de la gauche.  « C’est pas moi, c’est les autres », une technique facile qui évite de s’interroger sur ses propres erreurs, ses propres échecs.

 

C’est bien plus simple de dire que c’est de la faute aux 2 % de Christiane Taubira que d’analyser pourquoi, après une législature de croissance, de création d’emplois, de progression des droits sociaux, on finit avec 16 % derrière l’un des plus vieux leaders d’extrême-droite européens. Et comment expliquer cette désunion après cinq ans de gouvernement commun ? Comment expliquer que les quatre autres candidats de la Majorité plurielle aient réussi à totaliser un score légèrement supérieur à celui de Lionel Jospin ? La gauche se fracture, les électeurs suivent et le PS continue de dénoncer le mal sans en chercher les causes ...

 

En refusant de réaliser une analyse sociologique et politique du vote de 2002, prémisse de la montée de l’insécurité culturelle (un village qui vote FN à 45 % sans avoir connu de problème d’insécurité ou d'épisode migratoire, ça interroge !), en s’appuyant sur de belles victoires (2004, 2008, 2010, 2011) marquées par une abstention record et un décrochage toujours plus fort des catégories populaires, le PS a fait le choix de ne pas comprendre le 21 avril.

 

Oui, en 2017 une percée du FN au premier tour est de nouveau possible, pour les mêmes raisons qu'il y a 13 ans. Le PS les ignorant, aujourd'hui comme hier, il sera le seul responsable de son élimination.

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21 mars 2015 6 21 /03 /mars /2015 08:39

Il semblerait que 2015 n'échappe pas à la règle du sempiternel débat : Tintin est-il raciste ? Stupeur et tremblement, il n'y aurait pas que « Tintin au Congo » et ses célèbres « Y en a méchant blanc avoir fait peur à moi » suivis d'une réprobation venant de ... Milou. Tout cela, ne le nions pas, fleure gentiment le « Y a bon Banania ».

 

Alors bien sûr, à lire un album de Tintin où les Africains ne savent pas parler, les Sud-Américains sont soit des brutes, soit des traficants, les Asiatiques se révèlent fourbes et menteurs, les Nord-Américains violents et corrompus, le procès en racisme d'Hergé est vite plié. Il est d'ailleurs surprenant, vu le peu de place fait aux quelques femmes et le rôle qu'elles tiennent au fil des histoires, que personne n'y ait rajouté une accusation de misogynie. Cela finira bien par arriver.

 

Pourtant, ce n'est ni Hergé, ni Tintin, qui ne sont racistes. Ce que nous montrent les 23 albums de la série « Les Aventures de Tintin », publiés entre 1930 et 1976, c'est bel et bien le reflet de la société de son époque. Les bandes dessinées de Georges Rémi nous font découvrir le ressenti majoritaire de la population européenne durant ce demi-siècle de dessin. Dans ces albums, il n'y a aucune idéologie, aucun sentiment particulier envers quiconque. Dans la mesure où, à la suite du décès de l'auteur, les publications ont stoppé, il est impossible de voir l'évolution que le jeune reporter au chien blanc et au comparse alcoolique aurait pu suivre.

 

Bien que comparaison ne soit pas raison, il suffit pour bien comprendre de se reporter à la série d'Edgar P. Jacobs, Blake et Mortimer. Les trois premiers tomes, qui composent Le Secret de l'Espadon mettent aux prises le monde occidental (et ses colonies) avec « l'Empire Jaune », dont le chef Basam-Damdu est dépeint comme fourbe, cruel et manipulateur. Dans La Marque Jaune, le soldat Nasir (indien) est devenu le majordome du professeur et de l'agent secret. Pourtant pas de racisme, puisque dans Les Sacrophages du 6e Continent, ce même Nasir est devenu agent secret au service de l'Inde (désormais indépendante). Quant à La Machination Voronov, c'est une femme qui y tient le premier rôle.

 

La bande dessinée, du moins celle-là, est le miroir de notre société. Hergé ou Jacobs n'étaient pas racistes, pas plus que le quidam rencontré à l'époque dans n'importe quel café bruxellois.

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14 mars 2015 6 14 /03 /mars /2015 06:32
Pont de Biscaye, Portugalete (Espagne)

Pont de Biscaye, Portugalete (Espagne)

Alors que Nantes Métropole organise son grand débat « La Loire et nous », l'idée de reconstruire un pont transbordeur est (naturellement) revenue sur le devant de la scène. Depuis quelques années, ce sujet est devenu une sorte de chimère des débats qui tournent autour de la Loire nantaise.

 

Reliant le quai de la Fosse à la prairie aux Ducs entre 1903 et 1958, cet ouvrage d'art était l'œuvre de Ferdinan Arnodin, qui avait également conçu le pont de Biscaye (installé à Bilbao) et d'une dizaine ponts de ce genre. Le pont perd de sa rentabilité après la Seconde Guerre mondiale et c'est la municipalité Orrion qui décide de le démonter, non sans provoquer quelque réaction des Nantaises et des Nantais.

 

Voilà donc que cinquante ans plus tard, rejaillit l'idée d'un pont transbordeur, à la suite de la réflexion sur le nouveau franchissement de la Loire, initié par Jean-Marc Ayrault. C'est là que va se constituer l'association « Les Transbordés ».

 

Cette proposition de nouvel ouvrage d'art qui se réfère au passé industriel de Nantes est certes bien séduisante, mais elle fait fi de la réalité urbaine nantaise.

 

Le patrimoine ne se reconstruit pas. Le nouveau pont transbordeur pourra bien être magnifique, il ne sera jamais celui du début du XXe siècle. Reconstruire, en moderne ou à l'identique, relève d'une forme de nostalgie qui ne se conjugue pas avec la réalité urbanistique. L'Île de Nantes et la rive Nord du fleuve se sont développées sans pont transbordeur.

 

Un ouvrage d'art n'est pas un élément isolé du paysage d'une ville, en comme témoigne le pont Éric-Tabarly, dont la hauteur du pilier central vient tutoyer celle des Vulcains de Beaulieu et des tours de Malakoff, formant une harmonie aérienne. Un pont moderne qui associe deux quartiers en profonde évolution et rénovation. Le pont transbordeur ne peut s'inscrire dans une logique identique, reliant une Île de Nantes qui n'a plus rien d'industriel (même si elle assume pleinement son passé avec le Parc des Machines et le Hangar à Bananes) et un quartier de la Fosse devenu résidentiel, dont les toitures sont bien plus basses que les immeubles modernes construits selon le modèle des îlots de Portzamparc.

 

De plus, la réflexion sur un nouveau franchissement de la Loire vise à décongestionner les autres ponts (particulièrement Anne-de-Bretagne) et préparer le déménagement du CHU sur la rive sud de l'Île, qui va entraîner une augmentation du trafic automobile. Un pont transbordeur ne peut répondre à ces deux objectifs, puisqu'il ne garantit pas un flot continu de véhicules. Bien sûr, la municipalité et la métropole travaillent à sortir la voiture du centre-ville, mais cela prend(ra) du temps.

 

La nostalgie ne se conjugue pas avec le développement d'une ville. La déconstruction du pont transbordeur a été une tragédie pour le patrimoine nantais, pour l'histoire de la ville, mais ce n'est pas en le reconstruisant que cette blessure s'effacera.

 

N'oublions jamais d'où nous venons, ni où nous allons.

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Published by Antoine de Laporte
19 décembre 2014 5 19 /12 /décembre /2014 07:45

En début de semaine, un sondage de l'institut IFOP nous apprenait que les trois quart des Français ont une bonne opinion d'Angela Merkel et qu'une proportion identique souhaitaient que notre pays applique « des réformes à l'allemande ». Paradoxalement, et ce dont les médias n'ont évidemment pas parlé, 75 % des sondés jugent qu'il y a trop de pauvreté en Allemagne.

 

Comment expliquer cette si étonnante contradiction ? Je ne reviendrai pas sur ce que recouvre les réformes à l'allemande, Guillaume Duval s'en charge avec bien plus de brio et de clarté dans Made in Germany.

 

Si les Français disent avoir une si bonne opinion d'Angela Merkel, c'est que sa stature politique contraste sérieusement avec celles des principaux dirigeants de notre pays. La grande force de la chancelière, c'est d'allier la modération dans le processus de prise de décision avec la fermeté dans son application.

 

À la différence d'Helmut Kohl, elle a d'abord réussi à faire le ménage parmi les barons de la CDU. Ainsi, elle a mis prématurément à la retraite des personnalités majeures du parti tels Roland Koch, Ole von Beust, Peter Müller. Elle a habilement su jouer des échecs et polémiques pour faire disparaître des rivaux comme Norbert Röttgen, limogé en une minute, ou Karl-Theodor zu Guttenberg, certes issu de la CSU. L'appareil fédéral et les structures régionales, le gouvernement, le groupe parlementaire, sont encadrés par ses fidèles.

 

Alors que la République fédérale promeut un régime parlementaire, rationalisé mais fort, avec un président modérateur au-dessus des partis, ce contrôle total sur sa formation donne à Angela Merkel un pouvoir sans pareil depuis 1949. Ni son parti ni son partenaire de coalition ne sont en mesure de l'inquiéter, du fait notamment de son immense popularité. Celle-ci provient de ses discours où elle insiste sur l'importance des réformes structurelles libérales (qu'elle n'a pas menées), perçues par les Allemands comme la réponse à tous les maux actuels des sociétés européennes. Guillaume Duval montre pourtant qu'il n'en est rien.

 

Oui, les Français adorent Angela Merkel, mais ils adorent surtout l'image que l'on renvoie d'elle, celle de la stabilité, de la carrure, de la puissance. Celle qui dirige le gouvernement fédéral depuis 2005 est effectivement perçue dans une terrible comparaison avec François Hollande et Nicolas Sarkozy. Le premier apparaît comme incapable de trancher ou tenir une décision difficile, spécialiste qu'il est de l'art de la synthèse ; le second est vu comme une boule de nerfs sans stabilité ni cohérence politique, habitué qu'il est de la démagogie.

 

La Bundeskanzlerin est pour nos concitoyens l'archétype de la femme d'Etat, quand bien même elle a si souvent manqué de courage.

 

Il est toujours besoin de rappeler que si les plans de sauvetage de la Grèce ont tant tardé, c'est qu'en mai 2010 elle avait une élection cruciale en Rhénanie du Nord-Westphalie, le plus grand et peuplé des Länder. Le scrutin a tout de même été perdu par la CDU et les Grecs n'ont pas fini de souffrir ; en 2011, sous la pression de son partenaire de coalition, elle a commencé à remettre en question la sortie du nucléaire civil, revenant sur cette décision à la suite de la victoire des écologistes aux élections dans le Land de Bade-Wurtemberg, un fief conservateur. Elle ne croit plus en l'axe franco-allemand, préférant établir des ponts avec l'Europe centrale, mais continue d'alimenter l'illusion d'une relation d'égal à égal, équilibrée et consentie.

 

Fille de pasteur, hambourgeoise de naissance, est-allemande de personnalité, présentée comme affable et sans charisme, la « petite fille » comme l'appelait Helmut Kohl se révèle à la fois une formidable tacticienne et une excellente communicante. Comment sinon parviendrait-elle à être la plus populaire en Allemagne ET en France ?

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